Le VIH/sida en Île-de-France

L'enjeu du dépistage précoce

06 novembre 2017

A l’occasion du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, la Cellule d’intervention en région (CIRE) de Santé publique France et l’Observatoire régional de santé d’Ile-de-France ont souhaité s’associer pour publier conjointement un bulletin faisant le point sur l’épidémie du VIH dans la Région.

Ce bulletin est axé sur les populations franciliennes particulièrement touchées par l’épidémie et les stratégies de dépistage à mettre en œuvre.Avec l’ARS dont c’est la mission, la Région Ile-de-France, deuxième région après la Guyane la plus touchée par l’épidémie de VIH et la Mairie de Paris ont décidé d’une politique volontariste et convergente pour aller vers « une Région sans sida » et « un Paris sans sida ».

L’éventail des nouveaux traitements et de nouvelles stratégies de prévention permettent de l’envisager pour peu qu’on s’en donne les moyens. Le rapport de l’ONUSIDA propose de dépister au moins 90% des personnes séropositives au VIH, de traiter 90% des personnes dépistées, et d’obtenir pour 90% des personnes traitées, une charge virale indétectable à l’horizon 2020, (3X95 en 2030). Si les deux derniers « 90% » sont déjà acquis en France et dans notre région, le premier 90 ne l’est pas encore. En effet, une récente étude de modélisation réalisée par Marty L., Cazein F., Lot F., Costagliola D., Supervie V., HERMETIC Study Group présentée aux journées de la SFLS en octobre 2017, estime qu’il y aurait plus de 10 000 personnes non diagnostiquées en Ile-de-France, dont environ 48% résiderait à Paris. Si l’enquête Prevagay 2015 présentée dans ce bulletin indique que la situation est plus favorable chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) qui fréquentent des lieux de convivialité gay, avec 90% des séropositivités VIH diagnostiquées, la fréquence du dépistage doit encore être améliorée dans cette population très exposée.  Une augmentation des sérologies de dépistage est observée (voir l’article sur la surveillance des infections à VIH en Ile-de-France), elle n’est encore à la hauteur de l’ampleur de l’épidémie chez les personnes non diagnostiquées.  

Dans la région Ile-de-France, le profil de l’épidémie est concentré sur deux populations : les HSH qui regroupe plus de 40% des nouveaux cas de VIH et les personnes hétérosexuelles migrants pour la plupart en provenance de pays de forte endémie mais qui se sont aussi contaminés après leur arrivée en France pour une part non négligeable d’entre eux[i]. Ces dernières années, la dynamique de l’épidémie semble stable chez les HSH, en baisse pour les personnes contaminées par voie hétérosexuelle et les disparités territoriales persistent comme cela est analysé dans les deux premiers articles de ce bulletin. Cependant, le nombre de découvertes de sérologies positives reste toujours à un niveau élevé particulièrement à Paris notamment chez les HSH franciliens qui fréquentent des lieux de convivialité Gay, comme l’article sur l’enquête PREVAGAY 2015 le montre. De plus la part des découvertes à un stade tardif est encore trop fréquente.

La stratégie de prévention repose sur la combinaison d’une baisse de l’exposition au VIH grâce à l’effet préventif du traitement des personnes séropositives et à une élévation de la protection chez les personnes non infectées grâce au préservatif mais surtout pour les plus exposés, grâce à ce nouvel outil qu’est la PrEP. Dans cette stratégie combinée le dépistage a un rôle pivot pour orienter les personnes trouvées séropositives vers le soin et le traitement et réévaluer avec les personnes trouvées négatives, l’intérêt des moyens de prévention existants, et notamment de la PrEP[ii]. Effet tasP[iii] et PrEp ont vu leur très haut niveau d’efficacité confirmé par des essais d’efficacité convergents.

Le dépistage doit aller chercher les personnes qui ne se sont jamais fait dépister par sous-estimation de leur exposition, par peur, crainte des discriminations ou manque d’accessibilité mais aussi être utilisé de façon régulière (tous les 3 mois pour les HSH, tous les ans par les personnes les plus exposées (migrants, usagers de drogue par voie intraveineuse, mulitpartenaires) (reco HAS 2017) afin de progressivement réduire la population non diagnostiquée et réduire le délai au diagnostic (en médiane : 2 ans chez les HSH, 3 ans chez les femmes et 4 chez les hommes hétérosexuels). Etc. L’utilisation de l’ensemble de ces outils implique la connaissance la plus précoce possible de son statut sérologique, fil rouge d’une maitrise de l’épidémie.

Or, les populations dépistées trop tardivement reste importante et peu joignable malgré les progrès dans ce domaine mis en évidence dans l’article de l’ARS sur le déploiement du Test Rapide d’Orientation Diagnostic (TROD). Comme le souligne l’article sur la lutte contre le VIH rédigé par le président du CRIPS, il convient de changer d’échelle. C’est aussi ce que préconise le plan d’urgence proposé par la Mairie de Paris présenté ce 1er décembre : la mise en œuvre énergique et simultanée d’un arsenal d’actions conjointes mobilisant tous les acteurs de la prévention et du soin : les médecins généralistes, l’assurance maladie, l’appui sur les associations de prévention et de soutien des populations touchées, une mise à disposition large des TRODS et des autotests ainsi qu’un ciblage des zones géographiques et des populations les plus concernées. Nos seules chances d’atteindre nos objectifs 2020 et 2030.

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